Dans la Cour du Roi Sykozar...


La reine Racal et le roi Sykozar ont pris le pouvoir sur les terres de  Nerfac et ils sont tous les deux très contents d'être là à se regarder le nombril et à venir nous le montrer à chaque fois que les flatulences leur débordent de l'esprit... Ils s'aiment séparément d'un amour inconditionnel et se le rendent bien... à tel point que de débordement en débordement, leurs cœurs ont fini par parler le même dialecte: le frotip. Le frotip est un langage qui ne parle bien que de taxes, d'impôts, de dîmes, dividendes et autres réjouissances matérielles telles les réceptions mondaines avec des cerfs et autres daims... venus courtiser quelques biches qui n'ont d'yeux que pour les actions en portefeuille... De temps en temps, pour se calmer les nerfs, le roi va faire un tour aux autres bouts du monde, tapoter l'épaule d'un de ses copains roi, trop souvent, roi d'une misère entretenue à grands coups de chars à chenilles qui écrasent bien à plat... Parfois, quand les autres rois en ont marre d'inviter, ils débarquent armés d'armes, bagages et même, pour certains, de femmes et d'enfants avec  un s pluriel... 

Et Racal est contente parce que ça la change de son train-train aphone routinier et de son roi de mari à ressorts à lame et consorts... Entourés de tout un aréopage de clowns, bouffons et autres pages qu'ils tournent et retournent de gauche à droite et inversement, ils s'habillent de suffisance auto satisfaite au-delà du soutenable... Par ici, la reine Racal s'expose distraitement, semblant de rien, juste pour dire: "c'est moi que v'là". Par là-bas, par ici, partout, le roi Sykozar se démène pour nous vanter son panel de ressorts, à tel point que le bon peuple de Nerfac se demande s'il n'est pas gouverné depuis une quincaillerie... Oui, parce que le bon peuple, lui, vu la dalle qu'il trimbale, il aimerait mieux être gouverné depuis une boucherie. En effet, le bon peuple en a assez de voir ministres et courtisans se faire la courte échelle pour escalader les piles d'invitations privilégiées à de mondaines parties de "je te tiens, tu me tiens". La plèbe du royaume de Nerfac a envie de crier: "Oh bon roi, puisque vous êtes si bon, lächez-nous!".

Marie-Madeleine...


Pleure pas, c'est pas les larmes qui te rachèteront une moraliste auréole... Et puis, j'avoue que j'aime bien l'idée de ta prétendue impureté.
J'aime bien l'idée de tes cheveux essuyant les pieds du Messie, fantasme millénaire de la soumission... ou de la dévotion.
J'aime l'idée que, toi et lui, vous auriez tricoté du sensuel et, que, par conséquent, il était, contrairement à ce qui se dit, capable de passer du spirituel au charnel...
J'aime l'idée que, grâce à toi, je ne pêche pas autant que ce que les pourpres soutanes nous culpabilisent.
J'aime bien l'idée d'un mariage secret entre toi et le fils de Marie, l'idée d'une nuit de noces volée au bord du lac Tibériade sous une lune d'argent comme on dit dans les récits romantiques...
Je milite pour l'idée que tu n'es pas la femme facile, couche-toi là, que nous décryptent les théocrates judéo-chrétiens tordus dont les principes sont aussi intrusifs que des pointes de fils barbelés...
J'aime bien l'idée de la pureté de ton cœur, l'idée de l'odeur enivrante de ta peau, l'idée que tu incarnes cette "pêcheresse" qui habite mon subconscient...
Je vais donc cultiver dans mon jardin secret l'idée que les fleurs ne s'ouvrent qu'au soleil qui les réchauffe, les envahit...
Marie-Madeleine, femme fatale et libérée, tu es toutes les femmes à la fois et... une seule.
Alors, rendez-vous, en bas, au bord du lac, ce soir?...
Marie-Madeleine, je t’aime, moi qui ne suis pas le messie.

The Midnight Special...


Creedence Clearwater Revival "Midnight Special". Nuit jais tirée par des rayons de lune grisâtre, les bras ballants, il marche sur le hasard comme un funambule sur le fil... d'un équilibre chancelant... La pluie éparse lui glace l'être jusqu'aux veines durcies par l'illusion d'un éden sur fondations d'argile. Il marche mais son regard translucide ne se pose jamais nulle part de peur de s'engluer dans les histoires d'une foule narcoleptique, foule qui marche en s'éveillant à la mort... Plus loin, une petite place, il s'arrête. Sous leurs halos, il fixe longuement les réverbères et reste là à les écouter diffuser le blues de nuits passées à veiller sur les bancs publics et les âmes en partance... Faisant résonner des pas pressés d'aller prendre le premier train vers un dortoir qui s'éveille déjà, une dernière fille des nuits blanches le frôle, exténuée... Autour de lui, la nuit brune pullule de corps marchant, plus ou moins, étrangement accoutrés. Cette nuit, peuplée d'âmes fuit la lumière qui pointe, de ses rayons, les silences résonnant sur les pavés de sa conscience... Il sait qu'une multitude d'yeux souterrains le scrute en permanence, multitude qui, telle une horde de terrifiants feux-follets, l'oblige à se terrer au fond de lui-même... Que fait-il? Que pense-t-il? Qui est-il? Quel est son trip? Midnight Special...

Talking Blues...


Je te parle d'un blues qui noue les tripes quand je surprends le visage d'un enfant à qui il manque l'essentiel nécessaire à son développement...
Je te parle d'un blues quand je croise un homme dormant par terre emmitouflé dans plusieurs épaisseurs de couvertures sur la prétendue plus belle avenue du monde...
Je te parle d'un blues qui jaillit des regards étouffés par la douleur de tous ceux qui ont tout perdu alors qu'il leur manquait déjà l'essentiel...
Je te parle d'un blues qui raconte ces rues de Paris où des hommes se rassemblent, attendant qu'un patron potentiel s'arrête et désigne quelques uns d'entre eux pour les emmener sur des chantiers vers la promise dignité d'un salaire.
Je te parle d'un blues qui prend conscience du fait que certains de ces hommes ne toucheront pas un centime en retour de leur labeur...
Je te parle d'un blues qui te hurle que le Tibet est asphyxié par la "pollution" politique chinoise...
Je te parle d'un blues qui trace sur les murs de ma conscience les 60 ans (de perpétuité) de prison de Florence Cassez...
Je te parle d'un blues qui psalmodie l'histoire de ces individus accusés injustement et condamnés d'avance à des perpétuités définitives...
Je te parle d'un blues qui trace au fusain de sa détresse le blues d'un sans-papiers dont le statut identitaire se trouve résumé à la comptabilité d’un formulaire administrativement arbitraire...
Je te parle d'un blues qui raconte l'histoire de cet homme qu'on renvoie menottes aux poings vers le pays d'où il s'est évadé...
Je te parle d'un blues singeant le malheur, qui, grimé de désespoir, te montre le chemin... à  ne pas suivre.
Je te parle d'un blues qui dessine une révolte à couper au couteau aiguisé du désir de liberté...
Je te parle d'un blues qui transperce le bonheur jusqu'à griser le plafond de nos existences...
Je te parle d'un blues qui rêve de champs de coton de fraternité, le blues qui fait sonner les cordes de ma conscience...

La Mort Pisse Debout...


Là mort, debout, là tout près de moi, pissait dans le caniveau... Au début, je n'y ai pas prêté attention. Puis, laissant traîner mon regard, je me suis fait cette réflexion: "La mort, féminine, pisse debout". Avoue que c'est déconcertant... La nuit, éclairant le trottoir de son lampadaire blafard, me renvoyait le flash aveuglant d'une déformation anachronique. Je voyais la mort, la mort pissait à côté de moi nullement surprise de me voir là, me dévisageant, sourire au coin des lèvres, comme si elle me connaissait déjà... Soudain, guttural, son ricanement haché m'a coupé le souffle, glaçant mon sang froid, pétrifiant mon subconscient... Survolté par cette vision, je me suis dilué dans la nuit aux couleurs de mes rêves. Quand je me suis réveillé, la mort s'était évaporée. La vie reprenait se droits...

Un peu de légèreté dans ce monde de brutes...


Parlez-moi de peinture, parlez-moi de sculpture, de collages, de photographie, de mode, de littérature et de toutes ces choses parties prenante de l’ordre consciencieusement établi pour assoupir les consciences, parlez-moi de tout ça et je vous fous mon poing sur la gueule, sauf le respect que je vous dois… Tu es où en ce moment? En France? Dans ce monde kétanou? Tu es sûr(e)? Permets-moi de douter. Tes convictions humanistes, elles sont où, elles servent à quoi? Je ne les vois pas exploser à la face de ce monde kétociàtoi… Tu milites pour quelle idées? Ton cœur, il bat pour quoi? Jusqu’à quelle température faut-il que ça monte pour que ton âme entre en ébullition? Et ta conscience? Oui, tu as raison… De quoi, je me mêle. Je scrute tes silences quand tu me parles d’art. J’aurais préféré que tu me parles de manière. Je scrute tes silences quand tu m’entretiens de peinture. Je m’attendais à ce que tu tagues ton indignation sur ton mur virtuel. Je scrute tes silences quand tu me dis photographie, j’aurais voulu que tes couleurs soient moins argentiques. On n’y peut rien, tu dis, toi? Si, bien sûr que si qu’on y peut quelque chose. En parler, dénoncer, c’est marquer son refus, éveiller les consciences. L’indifférence prend acte parce que tu ne peux, même, pas dire que tu ignores. L’indifférence cautionne. En Syrie, la chirurgie est au service de l’horreur, et tu m’exposes ton nombril! Je ne te comprends pas, je ne te comprends pas, être humain. Bonne nuit, dors bien.

Proxima estación: Esperanza...


Putain d'enfoirée de route, putain de rails au parallélisme douteux, locomotive enfumée de mes deux, aiguillages aveugles de la déroute, feux de signalisation de la résignation, passages à niveau enterrés sous les évidences, voyageurs au long cours vital, buée sur les vitres de nos regards, quais où se hâtent les grisailles en mouvement, fenêtres par où s'échappent les paysages, è pericoloso sporgiersi... Putains de caténaires déchargées d'adrénaline électrique. Ombres chinoises dans un décor en déraillement, éloignez-vous de la bordure du quai car une porte qui s'ouvre peut en cacher une autre, qui, elle, se ferme. Et toi, l'automate poinçonneur virtuel et si bestialement mécanique, quand est-ce que tu t' fais un petit trou, un dernier p'tit trou? Et toi! Et toi, quelle destination, vers quelle plage posée sur des pavés? Proxima estación: esperanza...